HOMMAGE A JEAN GRAVAS, FIGURE de la RESITANCE et de l'ECOLOGIE PDF Imprimer Envoyer
Dimanche, 25 Août 2019 22:37

La vie associative militante pour la pour la protection de la nature m’a permis de rencontrer des personnalités exceptionnelles par leur originalité, leurs engagements, leurs hautes qualités humaines.

C’est aussi la qualité du pays catalan qui a pu, un jour, susciter l’agrégation de leurs actions autour de la fédération écologiste FENEC puis de FRENE 66.

 Avec François TERRASSON du Muséum d’Histoire Naturelle, dont les rencontres et voyages autour du monde nous ont permis de comprendre les sentiments inexprimés et obscurs qui traversent les sociétés modernes dans leur peur de la nature.

 Avec Réa et Claude SIMON et leurs combats pour défendre la Coma Francesa nous avons mesuré le caractère émotionnel et culturel de l’attachement aux paysages de la Corbière et du Roussillon.

 Avec le colonel STIEN et l épique lutte pour la sauvegarde du site de Collioure, nous avons eu la preuve que le guerrier légionnaire pouvait se transformer en un zélé civil pour sauver la cité d’un grand péril.

 Avec l’écrivain pour la nature Laure DELVOLVE, ce sont les sentiments profonds pour le respect de la vie animale, celle du Fennec, comme celle de l’Ours ou de l’Ane domestique que nous avons pu apprécier et partager.

 Jean GRAVAS a certainement avec tous ces amis - aujourd’hui disparus - des points communs bien que son caractère entier ait pu être parfois contrarié par l’un ou l’autre de leurs points de vue mais il est venu à l’écologie avec le même esprit de servir son pays en honnête homme, faisant fi de tout intérêt partisan.

Jean, par son expérience d’ingénieur et d’expert en travaux publics, est revenu à la retraite en Roussillon pour servir en effet la cause de l’environnement et de l’écologie, ce qui - il y a trente ans - n’était ni facile ni partagé.

 Dans les années 90, il a été la cheville ouvrière de l’organisation des associations écologiques, en devenant le président-fondateur d’un des premiers conservatoires départementaux d’espaces naturels en France et en publiant le bulletin « Alpha-PO » pour sensibiliser les pouvoirs publics, les élus et les adhérents associatifs aux problèmes de l’écologie dans les Pyrénées-Orientales.

 Cette publication afficha d’emblée son intention de lier l’écologie au programme du Conseil National de la Résistance et de citer le discours du Général De Gaulle le 3 novembre 1943 à Alger devant l’Assemblée Consultative Provisoire :

 « La France aura subi trop d’épreuves et elle aura trop appris sur son compte et sur le ompte des autres pour ne pas être résolue à de profondes transformations … Elle veut que cesse un régime économique dans lequel les grandes sources de la richesse nationale échappaient à la nation, où les activités principales de la production et de la répartition se dérobaient à son contrôle, où la conduite des entreprises excluait la participation des organisations des travailleurs et de techniciens dont, cependant, elle dépendait … ».

 Il mis toute sa générosité - qui était immense - au service des petites associations qui naissaient dans les villages mais aussi des petites gens victimes des abus administratifs, pour ne pas dire des combines comme celle qu'il évoqua dans son bulletin sous le nom de la « vieille dame aux coccinelles ». Il a apporté à la fédération que je préside une constante fidélité et un soutien sans faille confiant dans les combats communs souvent d'ailleurs victorieux. Qui sait les heures passées à construire les argumentaires pour les adhérents, la presse, les juges ? Qui sait les embrouilles qu'il fallait éviter ? Qui sait les moyens financiers qu'il fallait trouver ne serait-ce que pour éditer et diffuser un bulletin ?

 Indigné mais constructif, Jean GRAVAS apportait aux associations écologiques une compétence rare dans un domaine où elles n’en avaient guère : celui de la construction des routes, véritable huitième plaie d'Egypte, qui frappe encore et toujours les terres agricoles et naturelles du département.

 Il fut l’âme de grands combats techniques contre des pouvoirs assurés de leur domination par l’absence complète de contrôle sur leurs projets, puisqu'il ne pouvait y en avoir de meilleurs que ceux issus de leurs têtes pensantes.

 Jean a fulminé contre la construction de la quatre voies de la RN 116 dans le lit du fleuve Têt pour joindre Perpignan à Ille-sur-Têt détruisant la riche ripisylve et obligeant l’abandon des champs captants du Mas Gravas à Saint-Feliu-d'Amont, ce qui met en péril la ressource en eau potable de la ville de Perpignan. Le contre-projet qu’il avait élaboré par l’intérieur des terres et porté par la FENEC n’a pu convaincre les juges administratifs, toujours respectueux des bienfaits de la Direction des Routes. De nos jours, un tel projet destructeur de la biodiversité périrait dans l’œuf.

 Ce fut aussi le combat perdu de la déviation d’ELNE, un gâchis extravagant en détours mais dont on savait que les taxes récupérées grâce à la consommation d'essence supplémentaire sur le trajet Perpignan - Argelès rembourseraient largement et au-delà l’investissement public.

 Mais ce fut la victoire pour éviter les variantes acrobatiques de la RN 114 entre Port-Vendres et Paulilles, grâce d’une part à l’échec de la manœuvre de la DDE dans l’enquête publique mais aussi grâce au projet pour la simple rectification de virages, largement suffisante, préconisée par Jean GRAVAS.

 Et se fut la victoire contre le projet ESTEL, qu'il avait minutieusement disséqué, et qui allait défigurer la vallée du Carol sous le prétexte d'accélérer la liaison routière entre Toulouse et Barcelone !

 Aujourd'hui encore, son contre-projet de voie couverte pour la déviation de Marquixanes pourrait permettre de limiter les dégâts.

 C’est dans la défense de la montagne catalane que l’ami Jean fut le plus percutant. Il mena un combat acharné avec les associations pour que le site de MANTET échappe à la gestion des Caisses d’Epargne de l’Ecureuil qui voulaient s’y alimenter en grandes noisettes dans l’exploitation forestière. Un combat qui le conduisit à mettre en cause des banquiers, avec succès, devant le Commission bancaire, objet bien insaisissable pour les écologistes de terrain que nous étions.

 Les démarches entreprises pour la protection des vallées de MANTET et de NYER ont permis de mobiliser des financements européens et contraint le Conseil général des Pyrénées Orientales, après de longues années de tergiversations, de créer la réserve naturelle de Nyer.

 Cela ne résume pas tous les combats collectifs auxquels Jean GRAVAS s’est spontanément associé. Cela ne permet pas non plus d’approcher la personnalité intime d’un grand monsieur, résistant, qui n’avait pas froid aux yeux et dont l’indépendance d’esprit bravait les potentats municipaux, préfectoraux ou ministériels. A un préfet furieux d’être interrompu et qui s’interrogeait sur la légion d’honneur qu’il avait cru discerner au revers de son veston, il avait répondu qu’il n’avait qu’une médaille, celle de la Résistance, celle d’un porteur de bombe.

 Ami, entends-tu le chant du poète du Riberal que tu as tant apprécié ?

Verdejant Riberal, oh terra somiada,                          
No la podria dir ta gràcia i ta dolçor,                              
Ara que les xiprers negres te bressen de remor,          
Deixant caure en els horts llur ombra envellutada.
Verdoyant Riberal, oh ma terre de songe 
Je ne pourrai dire ta grâce et ta douceur 
Quand les cyprès sombres te bercent de rumeurs 
Jetant dans les jardins une ombre de velours.
 

Qui est en ligne ?

Nous avons 50 invités en ligne