Des bancs publics - Lettre à Libération |
Lundi, 19 Janvier 2015 21:28 |
L’alerte donnée par la FRENE 66 a déclenché une campagne d’opinion relayée par la presse et des initiatives sont prises pour le rétablissement des bancs publics au centre ville de Perpignan. Suite à une action citoyenne de placer des canapés, là où la municipalité à enlever les bancs, nous publions une lettre-récit de M. Thomas JOUAHRI à la rédaction du journal LIBERATION qui s’est fait l’écho de cette campagne. Je prends le temps de vous écrire, en ce jour de supercherie nationale, car je suis, avec un ami, à l’initiative des « Bancs Libres » de Perpignan, vendredi 9 janvier 2015. Il me semble opportun de vous préciser notre démarche, car vous avez utilisé notre image pour illustrer votre propos, dans Libération ce samedi 10 janvier 2015, propos que vous n’avez malheureusement pas développé au sujet de cette initiative symbolique. Pour vous décrire notre profil, nous sommes deux individus ayant grandi dans la cité catalane chère à Dali, sans étiquette politique, tentant d’attirer l’attention de l’opinion publique sur l’utilité sociale du mobilier urbain, ainsi que sur la problématique des « nuisances », en l’abordant à sa source : la précarité et la mixité sociale de la population perpignanaise. L’équipe municipale des 30 dernières années, comme vous le savez, a toujours instrumentalisé cette mixité sociale, et notamment la population gitane, afin de pérenniser son emprise politique, et ainsi signer l’arrêt de mort du lien social en centre-ville. Elle m’a personnellement atteinte, comme si on me forçait à oublier de beaux souvenirs de l’adolescence, et qu’on empêchait à la nouvelle génération de vivre ces moments de convivialité et de partage intergénérationnel, interculturel et inter-classes sociales. Pour attirer l’attention de la population et des élus sur nos revendications, nous avons opté pour une action symbolique coopérative, rendue possible par l’aide de quelques sympathisants. Une fois nos deux banderoles « Banc Libre » et « Banc Lliure » préparées et agrafées à notre canapé, nous nous installons au pied de « l’autel de ville », où nous rejoignent deux photographes et un journaliste de l’Indépendant, qui relate mignonnement ici sa version de l’histoire : http://www.lindependant.fr/2015/01/10/un-canape-libre-pour-venger-les-bancs-publics,1977263.php Autrement dit, la défense de la liberté d’expression à l’échelle nationale, clairement d’actualité, ne permet pas l’expression simultanée des préoccupations locales, une conception quasi-napoléonienne des libertés, qui nous a laissés dubitatifs. A notre retour dans la ruelle, deux personnes munies d’une poussette se sont déjà assises sur le Banc Libre et conversent avec les passants, apprécient le confort et soulignent elles aussi le manque cruel de mobilier urbain en centre-ville. Nous le déplaçons ensuite au pied du Castillet et son succès est immédiat, au-delà des sourires qu’il provoque naturellement, il est vite occupé par un couple souhaitant profiter du soleil, puis par deux personnes attendant des amis, une étudiante roulant sa cigarette, ou encore des jeunes faisant des selfies. Une vraie vie de banc, une vraie vie sociale au pied d’un édifice ô combien emblématique pour tous les perpignanais. Les réactions des passants sont unanimement positives. Après environ une heure de présence, les services de la PM, cette fois accompagnés par M.Parrat, adjoint au Maire en charge de l’Urbanisme, nous rejoignent à nouveau pour nous déloger, en nous avertissant qu’un camion arrive pour charger le canapé et le transporter à la décharge. Après vérification de nos identités par la Police, nous embarquons notre Banc Libre avant l’arrivée du camion municipal, et le déposons un peu plus loin pour faire une pause. 6 jeunes nous demandent s’ils peuvent se photographier sur le canap’, pour la couverture de leur futur EP de hip-hop et leur future marque de vêtements, c’est parti pour le shooting pendant une bonne demi-heure. Nous avons aussi installé un autre Banc Libre, sur les berges de la Basse, en face du Lycée Arago, où de nombreux bancs ont aussi été supprimés, il a déjà remporté un franc succès. Solidairement. |